Retour au Menu Légendes


la chatte La Roche de la Chatte Pendue ( vosges)

( Histoire envoyée par Monique-Marie François, un grand merci à elle : Généalogie des habitants du Ban de la Roche et de leurs légendes ; " livre virtuel " pouvant être lu au Centre Départemental d'histoire des familles de Guebviller (Haut Rhin) ; à la bibliothèque du Centre d'entraide généalogique de France, 3 rue de Turbigo, Paris ; en cours de microfilmage par les Mormons. : Magique Pays de Salm )

La fois là, au temps où la terre de Salm ne s'appelait pas encore la terre de Salm, les fées qui l'habitaient voulurent rendre visite à leurs cousines du Ban de la Roche, qui ne s'appelait pas encore le Ban de la Roche.

Le problème, c'est qu'il y avait la Bruche à traverser, et que les fées ne savaient pas nager.

Elles parlèrent de leur problème aux Saintes Pierres, qui tinrent chapitre pour délibérer du sujet.

Toutes se tournèrent vers la Haute Pierre de Salm, qui était la plus concernée car elle habitait sur le bord même de la Bruche.

" Il me semble, dit la Haute Pierre de Salm, que cela ne me dérangerait guère, de supporter un léger pont invisible où les fées pourraient passer en toute sécurité. "

Les autres pierres en furent d'avis, et ainsi fut fait.

La Haute Pierre était assez plate. Les fées y adossèrent aisément leur pont, qui s'appela le Pont des Fées. Elles y circulèrent sans problème pendant de nombreux siècles, et c'était plaisir de les voir se rendre visite d'une rive à l'autre de la Bruche, en personnes aimables, polies et bienveillantes. Certes, jamais celles du Ban de la Roche, qui ne s'appelait pas encore Le Ban de la Roche, n'auraient traité leurs cousines d'en face de sales papistes, pas plus que celles de Salm n'auraient traités les autres de hapolottes !

Puis, vint l'époque des procès en sorcellerie.

Comme on le sait, les procès de sorcellerie étaient précédés par une phase de rumeurs couvant à bas bruit, de calomnies à demi-formulées contre lesquelles il est impossible de se défendre.

Celle contre les Hautes Pierres démarra secrètement, dans les papiers de l'autorité, documents comptables et autres, papiers que les Pierres ne risquaient pas de contredire puisqu'elles ne savaient même pas ce que c'était. Insensiblement, pour les nommer, on passa de l'expression Hautes Pierres, ancienne, et respectueuse, à des expressions telles que Chaudes Roches, ce qui insinue sans le dire qu'elles contiennent les feux de l'enfer, ou Chattes Pierres, ce qui laisse entendre qu'elles se transforment en chattes comme le font les genaxes (AMM B 9027 ; AMM B 9093) .

Le sommet fut atteint quand la Haute Pierre de Salm fut appelée Roche de Chatte Pendue, ce qui, aux calomnies précédentes, ajoute l'idée que l'on vient s'y pendre.

L'affaire de la Chatte Pendue était grave. Pour étayer leurs calomnies, les accusateurs anonymes eurent un jour l'idée de sacrifier une pauvre bête, une chatte que l'on trouva effectivement pendue un jour à la pierre. Plus grave encore : la chatte était affublée des guenilles d'une pauvre vieille que l'on ne revit plus. On alla raconter que la chatte était la vieille sous sa forme de sorcière, qui se serait emmêlée dans la pierre, et pendue par accident, en se rendant au sabbat. C'est ce que l'on fit croire aux gendarmes du Comte de Salm pour expliquer sa disparition et, pour faire bon poids, on affirma avoir trouvé un balai au pied de la pierre.

La Haute Pierre de Salm en fut très mécontente. Elle se dit en son for intérieur :

"Me voici malgré moi rendue complice d'un meurtre. Je ne saurais l'approuver. Si un chapitre est convoqué pour parler de la folie des hommes d'aujourd'hui, je ne manquerai pas de le dire."

Une autre qui n'était pas contente, c'était la Haute Pierre, la Roche à enfants de Moyenmoutier. Figurez vous qu'on l'accusait de fournir le lieu du sabbat !

Près du Donon, les pierres furent accusées d'avoir reçu la marque du diable : on se mit à appeler Pattes du Diables une vieille marque ayant vaguement l'aspect d'empreintes de pieds.

Les choses en arrivèrent au point où l'Aînée des Pierres envisagea de tenir un chapitre. Non pas qu'elle craignit vraiment qu'on mettre les pierres en prison et qu'on les brûle (comment les hommes l'auraient-ils pu ?). Mais elle était compatissante et large d'esprit. Elle voyait plus loin que le Salm ; son regard portait jusqu'à la Perheux, et elle désapprouvait ces bûchers qui s'y suivaient l'un l'autre comme s'il se fût agi de vider le pays. Elle voyait plus loin que les problèmes des Pierres. Elle se dit en elle même :

"C'est là un grand malheur qui s'abat sur les hommes, surtout sur les petites gens. Je serais bien d'avis de les aider, si seulement je savais comment faire."

Comme le rythme de vie des pierres n'est pas très rapide, elle en était toujours là de ses réflexions quand la guerre des Suédois vint résoudre le problème, ou pour mieux dire, vint le supprimer. Car bientôt, il ne resta à peu près plus personne dans la région pour craindre la calomnie ou pour la répandre.



Retour au Menu Légendes